Le Petit Garde rouge au Théâtre du Rond-Point : une enfance dans la Chine maoïste

Dans un spectacle mis en scène par François Orsoni, le peintre Chen Jiang Hong raconte son enfance dans la Chine de Mao. Une pièce originale entre dessin, danse et théâtre, d’une grâce infinie.

En cette année 2023, Chen Jiang Hong fête ses 60 ans en France où il est installé depuis 1987. Peu importe la course du temps, il demeure aussi ce petit garçon à la veille de sa première rentrée scolaire en 1970. Il a alors 7 ans, il vit dans une ville du nord de la Chine et son père vient d’être envoyé en « rééducation » près de la frontière russe. Assis sous une guérite, sur la scène du Théâtre du Rond-Point, Chen Jiang Hong, aujourd’hui peintre et illustrateur reconnu (1), tire le fil de ses souvenirs sur le papier de riz. Une caméra braquée sur sa table à dessin permet de visualiser en temps réel la projection de ses réalisations sur deux larges toiles en arrière-fond.

En quelques traits vifs, il plante le décor de son enfance : un immeuble de briques, des câbles électriques qui volent au vent, les poules élevées avec passion par sa grand-mère… Ses mots, eux, résonnent dans la bouche du comédien Alban Guyon qui, entouré des danseuses Lili Chen et Namkyung Kim, donne corps aux personnages de Chen Jiang Hong.

Dialogue entre le dessin et la scène

Adapté de son autobiographie Mao et moi (paru à l’École des Loisirs en 2008), Le Petit Garde rouge, délicatement mis en scène par François Orsoni, livre un récit à hauteur d’enfant de la Révolution culturelle lancée par Mao Zedong. De terribles épisodes marquent ces années : la disparition d’une voisine éprise de Mozart et de littérature, la déportation du père, l’exécution sommaire des gallinacées de la famille… Les dessins de Chen Jiang Hong évoquent également la figure de son grand-père, et les oiseaux que celui-ci aimait écouter au parc avec ses amis. Impossible de classer ce spectacle pourvoyeur d’émotions multicolores. La salle est éblouie par le dialogue sensible qui s’instaure entre la peinture, le jeu du comédien, la grâce des danseuses et la bande-son éclectique (des bruits de cuisine aux explosifs du Nouvel An en passant par le clavier de Jean-Michel Jarre) conçue par Valentin Chancelle et Éléonore Mallo. Les corps, le texte, le pinceau et les encres exécutent dans une harmonie lumineuse un ballet fascinant de tendresse et de poésie. Une magnifique étreinte.

Marie-Valentine Chaudon

5 juin 2023

La Croix