Texte Luigi Pirandello
Mise en scène François Orsoni 
Dramaturgie Muriel Ryngaert
Assistant à la mise en scène Nathalie Desbouis

Lumières Jean Luc Chanonat
Son Nicolas Jorelle

Avec Alban Guyon, Stéphanie Braunschweig, Thomas Landbo,  Ariane Séguillon, Nadine Darmon, Clotilde Hesme, Nathalie Desbouis et François Orsoni

Co-production CTC, Ville d’Aiacciu, Ollandini Voyages

Création au Studio de l’Ermitage, Paris, juin 1999


À PROPOS

Ce qui m’a intéressé dans ce texte, c’est la force de la rumeur. Cette parole inventée ou déformée, peu importe, mais qui circule de plus en plus vite et avec de plus en plus de précision. D’où vient-elle? Où va-t-elle? Il y a quelque chose d’impalpable et d’incompréhensible dans le parcours de cette parole. Ce bruit qui court définit une vérité officielle, totalement subjective, mais contre laquelle on ne peut lutter. Pour répondre à l’idée de rumeur, la mise en scène est bâtie sur un espace vide et circulaire, parce que sans fin, parce que travaillant sur l’idée d’un enfermement. Le vide et l’enfermement comme espace symbolique, ce que représente le cercle, et le corps des acteurs, réel, matérialisant cet espace circulaire. Du vide naît la rumeur, de la rumeur naît le drame et là commence le théâtre. La force de la rumeur, c’est que l’on ne sait rien et que l’autre sait quelque chose qu’on ne veut pas savoir ; ainsi dans la rumeur il y a l’autre. C’est un rapport d’altérité où la parole de l’autre se charge d’une vérité, aussi improbable soit-elle. La rumeur fausse les rapports, elle change les mots, la langue. C’est un secret, mais un secret qui n’en est plus un pour personne. Un secret dont tout le monde a peur. Tout le monde le connaît mais personne ne veut en parler. Ainsi dans la mise en scène tous les personnages tournent autour de Béatrice – celle qui porte un secret, qui jamais ne doit franchir le mur de l’espace public. La mère, le frère, la servante, tous tournent autour d’elle pour l’étouffer, étouffer ses mots, ceux qui sont en trop. Dans la mise en scène, ils sont tous vêtus de noir. Les femmes, comme des images, un peu éculées, de veuves corses, de veuves siciliennes ; elles sont presque interchangeables. Les hommes, dans des costumes sombres et étriqués, cravatés. Ils sont habillés de leur fonction sociale. Tous ont oublié de respirer parce que tous sont obligés de faire semblant, de camper le personnage. Acteurs d’un drame. Le silence les accable. C’est pourquoi ils parlent d’ailleurs. Ils déversent ce qu’ils ne peuvent pas taire. Alors le silence est mis en forme par une parole qui tait sans cesse l’essentiel, qui jamais ne touche au mot, le mot, celui de l’adultère. Ils invoquent Dieu, les bonnes manières, la place de la femme, celle de l’homme, ils parlent pour ne jamais dire l’indicible, pour se laisser la possibilité d’un retour en arrière, un retour à la normale. Mais Béatrice, déjà, ne veut plus de cette comédie où l’on fait semblant, elle pactise avec la Sarrasine, l’étrangère, étrangère à la famille, la colporteuse. Et la machine s’emballe…


Diffusion

Théâtre Kallisté, Ajaccio, novembre 1999
Création au studio de l’Ermitage (Paris)