22-28 mars 2014
Télérama
Les adolescents de Jeunesse sans Dieu, d'Odön von Horvath (1901-1938), sont plus pervers. Mais d’un des rares romans du dramaturge austro-hongrois, François Orsoni a tiré un divertissement drôle et méchant. Installé autour de la scène - et non seulement devant -, le public y assiste mieux encore à la lente corruption de la jeunesse allemande, à l'insidieuse adoption des idées nazies. Un piano-bar, des chansons à la mode brechtienne : les élevés de ce professeur de lycée la cèdent en s’amusant aux clichés racistes du temps. S'apprêtent à en endosser bientôt toutes les horreurs. Le professeur cherche a resister, a leur inculquer ses valeurs humanistes, mais lui-même bascule malgré lui dans l'épouvante, en devient paradoxalement responsable. Horvath ne critique ni ne dénonce il montre, démasque. Entre les mots, ll traque I’inconscient de ses personnages, leurs mensonges. Mais la mise a nu - même des pires secrets - se fait avec une étonnante tendresse. Presque une compassion. Ainsi les élevés ne sont-ils pas si inexcusables et leur professeur n’est il pas si juste. Horvath déchiffre les zones grises. Et Orsoni, avec sa jeune troupe alerte et agile, fait superbement entrer dans la danse des sentiments et des crimes. La danse, une fois encore. La tragédie n'est poignante que dansée.
Fabienne Pascaud