11 janvier 2009

rue89.com

Le jeune Brecht de Jean la chance en version concert rock

La pièce inédite de Brecht « Jean La chance » nous replonge dans l’atmosphère rimbaldienne de « Tambours dans la nuit » et « Baal » chère au jeune Bertlot, admirateur des dialogues au cordeau de Karl Valentin.! Brecht a laissé cette pièce en plan. Quelques pages de notes sur la structure et un certain nombre de scènes (le tout retrouvé dans les archives de Berliner ensemble). Ce n’est pas son premier texte inachevé, mais c’est le plus élaboré (1). On y croise des personnages entiers, simples, aux désirs explicites, une héros, homme bon en prise avec les calculs égoïstes, la ruse et le commerce des hommes dans sa forme élémentaire : le troc. !La pièce s’inspire d’un comte de Grimm dont la construction s’effectue sur le mode du marabout-bout de ficelle-selle de cheval, etc. Sauf qu’il ne s’agit pas de mots mais de la vie de Jean, un homme qui va en prendre plein la tronche mais un gars qui positive comme on ne disait pas à l’époque. 

Brecht élabore le schéma dans ses notes : « Femme contre maison, maison contre charrette, charrette contre manège, manège contre femme, femme contre oie », etc. De cette ritournelle, le metteur en scène François Orsoni et le musicien Tomas Heuer alias Masto (Berurier noir) font leur miel. !Ils mettent si bien en musique les textes de Brecht, ils insufflent une telle énergie rock aux acteurs-chanteurs - et souvent musiciens (Suliane Brahim, Alban Guyon, Clotilde Hesme, Tomas Heuer et Thomas Landbo) que le spectacle s’apparente plutôt à un concert dont l’histoire de « Jean La Chance » est le fil conducteur. ! 

Brecht a très vite oublié dans un tiroir cette pièce qu’il ne mentionne qu’une fois dans son Journal : « raté, œuf à moitié pourri ». Ce n’est pas le cas mais ce n’est certainement pas un « grand texte » comme l’affirme Orsoni. C’est assurément, pour ce dernier, une bonne matière pour réunir autour de lui des amis avec lesquels il a déjà travaillé et « assouvir un rêve », celui d’« emmener sur le plateau la force et la vitalité des concerts punks ». Le rêve s’accomplit chaque soir. D’ailleurs sur la scène nue se dressent des micros et des instruments, comme pour un concert. Et à l’heure des saluts, le bis est une chanson, la plus belle, « La rivière noire », chantée avec une dinguerie digne de Catherine Ringer par l’actrice Clotilde Hesme. 

Jean-Pierre Thibaudat