Lundi 16 décembre 2013

Pariscope

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Le théâtre jeune public réserve souvent des petites pépites artistiques insoupçonnées. C’est le cas de ces "Contes Chinois", un spectacle expressément destiné aux enfants et choisi pour faire I'ouverture (ou plutôt la réouverture) du Théâtre Paris-Villette après les nombreux remous qui avaient tait craindre pour sa pérennité. La mise en scène en est signée François Orsoni, qui officie d'habitude dans la cour des grands et se taille là une jolie légitimité du côté des petits avec cette proposition scénique dans lair du temps. contemporaine et universelle, inspirée par les albums jeunesse de Chen Jiang Hong. Utilisant la vidéo comme noyau scénographique, il installe un théâtre d'images où l'action n'est pas prise en charge par des acteurs à même le plateau comme dans toute représentation traditionnelle mais se déploie dans l'imaginaire du spectateur, par le biais d'une narratrice en retrait (ou plutôt en avancée, car la comédienne se situe littéralement au pied ou public, assise à une petite table éclairée, micro en main, albums ouverts devant elle), d'un musicien en live d'un côté du plateau et du dessinateur Chen Jiang Hong en personne, pinceaux en main, sur les bords opposés. Ainsi, les deux contes se déploient en trois dimensions dans l'espace de manière à la fois diffractée et synchronisée. Estelle Meyer, la récitante, distille avec tact, d'une voix qu'on écoute avec plaisir et attention, les deux histoires orientales, à la fois poétiques et trépidantes, profondes et épurées que sont "Le Prince tigre" et "Le Cheval magique de Han Gan" sur l'écran vertical qui se dresse au centre au plateau, page blanche en attente du trait qui l'habillera, les cases du premier conte défilent au rythme de l'intrigue, découpant les séquences en gros plans, plans d'ensemble, plongées ou contreplongées, s'appropriant le vocabulaire du cinéma, celui du cadrage et du montage. Mais c'est sur le second livre que l'expérience théâtrale prend une dimension calligraphique supérieure, partant, une envergure nouvelle et fascinante ; le spectateur assiste en direct à la naissance du dessin, il est le témoin immédiat du trait en train d'apparaitre, il suit en simultané le chemin du pinceau sur la surface vierge de l'écran. Le récit s'anime et prend vie au fur et à mesure que Cheri Jiang Hong l'illustre. Une expérience de contemplation qui place le geste créatif au centre de son processus et en révèle la part magique et mystérieuse.

Marie Plantin