1 décembre 2010

Les Inrockuptibles

Brecht renaissance

Sublime, forcément sublime, Clotilde Hesme incarne le Baal de Bertolt Brecht avec charme et justesse dans la mise en scène de François Orsoni.

Rares sont les spectacles qui trouvent la force d'avoir deux vies. Dèzinguée au lance-flamme et enterrée vivante là juste titre par la critique en Avignon, la mise en scène de François Orsoni de Beat de Bertolt Brecht a trouvé enfin son juste timing après une tournée en province. Métamorphosée, la pièce, telle que nous l'avons redécouverte sur la scène du Théâtre de la s'avère un petit bijou antisocial aussi tranchant et brillant qu'un diamant noir. Laissez venir à moi les petits enfants, aurait pu dire Baal, car quand Baal renaît de ses cendres, elle en sort transfigurée… Et tout ce qui paraissait maladroit et réducteur dans la proposition s'avère aujourdhui aussi juste qu'élégant dans un jeu recadré sur la magnifique interprétation de Clotilde Hesme. La belle idée d'offrir à une femme le rôle de Baal prend alors sens. Rarement le poète anarchiste è qui personne ne saurait résister n'avait habité un corps (aussi déterminé, séduisant et fragile) dans un tel accord avec la légende libertaire inventée par lejeune Brecht en 1918. Trouble modernité dune sexualité libérée des tabous. rapport sans pose à l’égard de la poésie, fulgurance d'un parcours qui jamais ne se renie, rien ne manque à Baal, jusqu'à l’opprobre d'une naissance qui n'aurait pu que réjouir Brecht. Vive Baal et Clotilde Hesme l’irréductible.

Patrick Sourd